La question de l’éthique de l’IA n’en finit pas de faire couler de l’encre. Ce qui est plutôt logique, tant les enjeux sont grands pour l’industrie du numérique, mais aussi pour l’humanité toute entière.
Dans ce contexte, certaines voix apportent des avis différents, parfois bien éloignés de l’orthodoxie qui prévaut.
C’est le cas de Soraj Hongladarom, professeur de philosophie au Centre pour la science, la technologie et la société de l’Université Chulalongkorn à Bangkok, en Thaïlande.
Il prône une approche bouddhiste de l’éthique, appliquée à l’Intelligence Artificielle.
Voici pourquoi, avec quelques extraits traduits de son intervention pour le site du MIT.
De nombreux groupes ont discuté et proposé des directives éthiques sur la manière dont l’IA devrait être développée ou déployée: l’IEEE, une organisation professionnelle mondiale d’ingénieurs, a publié un document de 280 pages sur le sujet, et l’Union européenne a publié son propre cadre.
Malheureusement, la plupart de ces lignes directrices sont élaborées par des groupes ou des organisations concentrés en Amérique du Nord et en Europe : une enquête publiée par la spécialiste des sciences sociales Anna Jobin et ses collègues en a identifié 21 aux États-Unis, 19 dans l’UE, 13 au Royaume-Uni, quatre au Japon, et un aux Émirats arabes unis, en l’Inde, à Singapour et en Corée du Sud.
Les lignes directrices reflètent les valeurs des personnes qui les émettent. Le fait que la plupart des directives d’éthique de l’IA soient rédigées dans les pays occidentaux signifie que le domaine est dominé par les valeurs occidentales telles que le respect de l’autonomie et les droits des individus, d’autant plus que les quelques directives publiées dans d’autres pays reflètent principalement celles de l’Occident.
Le bouddhisme lié à l’Intelligence Artificielle ?
Parce que le développement et l’utilisation de l’IA couvrent le monde entier, la façon dont nous y pensons doit être éclairée par toutes les principales traditions intellectuelles.
Dans cet esprit, je pense que les connaissances issues de l’enseignement bouddhiste pourraient bénéficier à quiconque travaille sur l’éthique de l’IA partout dans le monde, et pas seulement dans les cultures traditionnellement bouddhistes (qui se trouvent principalement à l’Est et principalement en Asie du Sud-Est).
Le bouddhisme propose une façon de penser l’éthique basée sur l’hypothèse que tous les êtres sensibles veulent éviter la douleur. Ainsi, le Bouddha enseigne qu’une action est bonne si elle conduit à la libération de la souffrance.
Nous pouvons bien sûr interpréter cet objectif au sens large pour inclure la correction d’un système ou d’un processus insatisfaisant ou la modification d’une situation pour le mieux. Utiliser la technologie pour discriminer les gens, ou pour les surveiller et les réprimer , serait clairement contraire à l’éthique.
Pour que tout cela soit possible, les entreprises et les agences gouvernementales qui développent ou utilisent l’IA doivent rendre des comptes au public. La responsabilité est également un enseignement bouddhiste et, dans le contexte de l’éthique de l’IA, elle nécessite des mécanismes juridiques et politiques efficaces ainsi que l’indépendance judiciaire. Ces composants sont essentiels pour que toute directive éthique de l’IA fonctionne comme prévu.
La responsabilité est également un enseignement bouddhiste et, dans le contexte de l’éthique de l’IA, elle nécessite des mécanismes juridiques et politiques efficaces ainsi que l’indépendance judiciaire.
Ce philosophe conclu son article en proposant :
“Le bouddhisme a beaucoup à offrir à quiconque réfléchit à l’utilisation éthique de la technologie, y compris à ceux qui s’intéressent à l’IA. Je pense qu’il en va de même pour de nombreux autres systèmes de valeurs non occidentaux. Les lignes directrices sur l’éthique de l’IA devraient s’inspirer de la riche diversité de pensée des nombreuses cultures du monde pour refléter une plus grande variété de traditions et d’idées sur la façon d’aborder les problèmes éthiques. L’avenir de la technologie n’en sera que plus prometteur.”
Pour en savoir plus :
L’article du site Technology Review en anglais