Dans le cadre de notre dossier “HRTech”, nous vous invitons à découvrir le point de vue de Régis Rossi, expert et conférencier en Intelligence émotionnelle.
Il nous donne quelques principes liés à ce domaine de compétence, principes qui sont utilisés par certains éditeurs comme “Work Well Together” pour proposer des solutions d’évaluation de vos collaborateurs et permettre une meilleure gestion des ressources humaines et une approche plus humaniste du management.
À plusieurs reprises dans ma vie, j’ai eu la chance de rencontrer des experts en intelligence émotionnelle. Ce sont ces personnes qui, par leur comportement, nous apprennent à mieux comprendre nos émotions et celles des autres. Ce sont ces personnes que nous observons lorsque nous sommes en proie à des doutes, des échecs, des difficultés. Que feraient-elles si elles étaient à ma place ?
Comment réagit un expert en intelligence émotionnelle quand on lui refuse une promotion ? quand un collègue se décharge systématiquement sur lui de son travail ? quand il n’atteint pas ses objectifs en fin d’année ? Parmi ces experts en intelligence émotionnelle, un couple m’a particulièrement marqué.
L’histoire se déroule il y a quelques années.
Ma femme, notre fils Benjamin, âgé de 4 ans, et moi-même sommes invités chez une collègue de mon épouse, Lucie, et son mari, Sébastien, pour la première fois, afin de faire plus ample connaissance.
Les présentations faites, les parents se mettent à discuter tandis que Benjamin et Edgar (le fils de 6 ans de Lucie et Sébastien) jouent tranquillement à côté. Très vite, l’attention de Benjamin, adepte des dinosaures, se porte sur une magnifique figurine : le célèbre tyrannosaure de Toy Story (Rex) qui parle et marche tout seul ! Mais Edgar ne l’entend pas de cette oreille et refuse de prêter son jouet. Les enfants commencent à se disputer au point que nous sommes obligés d’intervenir. À ce moment-là, Sébastien prend le dinosaure dans ses mains :
« Edgar, je vois que tu n’as pas envie de prêter ton jouet. Donc pour ne pas donner envie à Benjamin, je te propose d’aller le remettre dans ta chambre. Benjamin, en revanche, tu peux jouer avec toutes les autres figurines de dinosaures que tu souhaites. »
Sur ce, Edgar s’exécute. Sébastien voit alors la déception de Benjamin et les regards interrogateurs de ma femme et moi. J’avoue qu’à cet instant précis, les pensées ont fusé dans ma tête (quel est ce père qui n’apprend pas à son fils à partager ?).
Sébastien nous explique :
« Benjamin, je vois que tu es déçu. Et vous, Régis et Anne-Laure, que vous êtes surpris par ma réaction et je vous comprends. Pour ne rien vous cacher, Edgar a fêté hier ses 6 ans et il a reçu en cadeau ce dinosaure qu’il attendait impatiemment depuis des mois. Donc, je comprends qu’il n’ait pas envie de le prêter tout de suite. »
Devant notre silence un peu perplexe, il poursuit…
« Regardons la situation d’un autre angle. Si j’achète demain une voiture de luxe dont je rêve depuis toujours, je n’aurai aucune envie de la prêter à un inconnu. Et ce qui est vrai pour moi l’est tout autant pour Edgar. Souvent, en tant qu’adultes, il nous arrive de demander à nos enfants de faire certaines choses que nous-mêmes ne ferions jamais. Sans prendre en compte leurs émotions ou leurs points de vue. »
“Souvent on juge, au lieu d’observer les faits, ce qui positionne l’autre sur la défensive et ferme le dialogue…”
C’est alors que la colère ou l’énervement que j’avais pu ressentir se sont transformés en compréhension, voire en une certaine forme d’admiration. J’ai estimé qu’il fallait beaucoup de courage à ce père pour accorder à son fils le droit de ne pas partager devant des inconnus, et dans une société qui prône le partage chez les enfants.
Plusieurs années après, je me souviens encore de la facilité avec laquelle Sébastien a su comprendre et détecter les émotions de chacun : de notre fils, d’Edgar, mais également les nôtres. Sans difficulté, il a réussi à exprimer les ressentis de tous et à établir un dialogue efficace où chacun a pu être à l’écoute de ses besoins.
Personnellement, je n’étais pas très doué avec l’intelligence émotionnelle . Ce n’est pas quelque chose qui est inné chez moi et il m’ a fallu beaucoup de travail et de persévérance pour accroître cette capacité.
La première technique que j’ai développée pour communiquer de façon efficace en prenant en compte les émotions de mon interlocuteur est d’exprimer mes sentiments de manière appropriée.
D’une manière générale, il nous arrive très souvent de confondre sentiments, ressentis et situation factuelle.
Un fait contrairement à une opinion est incontestable.
L’opinion, elle, est un jugement que l’on émet sur une situation, c’est le regard que nous portons sur elle.
Souvent on juge, au lieu d’observer les faits, ce qui positionne l’autre sur la défensive et ferme le dialogue.
C’est pourquoi, il est essentiel de formuler nos observations de façon neutre en se contenant de décrire les faits sans y mettre d’opinion ni d’interprétation.
Par exemple, ‘j’ai reçu la dernière directive un mois après la date d’émission’ est très différent de ‘je reçois systématiquement les directives en retard !’
Dire à un de ses collaborateurs ‘tu n’as pas le sens de l’initiative’ est différent de citer plusieurs situations dans lesquelles il aurait pu prendre une initiative.
Quand on juge quelqu’un ou son travail, notre interlocuteur se sent remis en cause personnellement et sera naturellement tenté de justifier son comportement, d’argumenter.
Quand on part d’une observation, on invite notre interlocuteur à prendre conscience d’une situation et à chercher des comportements afin d’y remédier.
L’observation est un point capital dans une bonne communication car elle fait la distinction entre ce qui est, et ce qu’on en pense. C’est un espace où le dialogue redevient possible.
Autre source à l’origine d’une mauvaise communication : la généralisation. Elle a notamment pour effet de susciter un certain immobilisme chez notre interlocuteur. Il existe 2 types de généralisations.
Intelligence émotionnelle : La généralisation temporelle
Certains mots comme « toujours , jamais, comme d’habitude » viennent parasiter la communication. Ils ancrent chez nos interlocuteurs un certain type de comportements et n’incitent pas au changement.
A titre d’exemple, nous pourrons citer « Tu ne fais jamais preuve d’initiative, comme d’habitude, tu te décharges d’une partie de ton travail sur les autres, tu coupes systématiquement la parole ».
Quand on fait un reproche à un interlocuteur, au fond de nous, on espère qu’il va changer son comportement. Mais pour que ce changement opère, il faut créer un terrain favorable.
Comment par notre communication, pouvons-nous inciter au passage à l’action ?
Si vous dites à l’un de vos collaborateurs « depuis que tu es en poste, je suis toujours obligé de relire tes slides », vous positionnez votre interlocuteur sur la défensive. Il va se chercher des excuses, mais sera-t-il véritablement vigilant pour qu’il n’y ait pas d’erreurs dans ses slides dans l’avenir ?
Alors que si vous lui dites « pour la prochaine réunion, il faut que les slides soient impeccables car je n’aurai pas le temps de les relire », vous l’incitez au passage à l’action.
Ainsi, on sort du reproche pour générer de l’engagement et de la coopération.
2ème type de généralisation : celle concernant le champ d’action.
Par exemple, votre collaborateur s’énerve systématiquement quand le dépanneur de la photocopieuse met trop de temps à intervenir. En revanche, il fait preuve d’énormément de patience quand il s’agit de former un stagiaire ou quand il attend le retour d’un appel d’offres qui s’éternise.
Plutôt que d’accès uniquement sur la critique et sur le reproche en mettant en exergue le moment où il s’énerve à cause du dépanneur, vous pouvez nuancer vos propos en ciblant : « C’est surprenant, tu es super patient quand tu es obligé de répéter 5 fois de suite les choses à notre stagiaire, et en même temps tu t’énerves très rapidement dès que le dépanneur de la photocopieuse met une heure à arriver. »
En sortant de la généralisation, vous créez un terrain favorable au changement.
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