Vous l’avez forcément remarqué : Facebook vient de proposer une nouvelle interface.
Non, pardon.
Facebook vient d’IMPOSER, de force, sans alternative et sans recours, une nouvelle interface.
En effet, si cette nouveauté était testée depuis plusieurs mois, elle est désormais incontournable.
Finie la possibilité de rebasculer sur l’ancienne interface.
Un progrès ? Huuum… plutôt une forme d’hérésie.
Et je ne dois pas être le seul à le penser. Voici pourquoi en quelques points illustrés.

S’asseoir sans vergogne sur l’intérêt de l’utilisateur
Le propre d’une interface réussie, c’est de faciliter la vie, donc l’usage, de celui qui l’utilise.
C’est une forme d’éthique du numérique que d’accorder un minimum d’attention à ses usagers.
Donc, tous les bons pratiquants de l’UX Design seront unanimes sur ce qui suit. Il faut à minima :
- interroger longuement les utilisateurs,
- réaliser des tests,
- observer les réactions,
- tenir compte des avis exprimés,
- etc
Facebook nous a exonérés de tout cela. Ou plutôt, ils ont demandé l’avis de ceux qui ont commencé à pratiquer leur nouvelle mouture, puis… ils se sont assis dessus.
Comment puis-je en être sûr ? Simple : j’ai commencé à entendre parler de ce changement il y a quelques mois. Certains de mes amis s’étonnaient que leur interface ait changé, et s’en mécontentait. Ils ont répondus au questionnaire de Facebook.
De mon côté, j’ai refusé systématiquement ce changement. Voyant le résultat absurde qui m’était proposé, j’ai rebasculé 10 fois vers l’ancienne interface.
Peine perdue : il y a quelques jours, le changement est devenu définitif. Facebook ne permet plus de revenir sur l’ancien look & feel.
Pourtant, j’avais accompagné chacun de mes refus d’un message, comme ont dû le faire des millions d’usagers dans le monde. Que sont devenus nos avis ? Mystère.
Les GAFAM n’ont jamais eu pour habitude de composer avec les envies et les besoins des « clients ».
Ou plutôt si, si l’on considère que les clients ne sont pas les usagers, mais les annonceurs qui paient pour faire campagne sur ces réseaux.

L’interface « new age » : plus il y a de place, moins il y a d’informations
Que doit-on reprocher à cette nouvelle mouture de Facebook ?
Si vous êtes comme moi rivé devant votre ordinateur une partie de la journée, vous allez comprendre.
Pour vous, la lisibilité est essentielle. Mais aussi l’accès rapide à l’information.
Vous n’avez aucune envie de scroller dans tous les sens, ni de cliquer sur douze liens, pour afficher ce qui vous est important.
Vous avez donc acheté un grand écran, voire deux, pour y connecter votre ordinateur. Devant vous, donc, au minimum, une dalle de 21 pouces, affichant du Full HD : 1920×1080 pixels.
Ce qui vous permet, par exemple, d’afficher côte à côte deux pages dans votre traitement de texte.
Ou une bonne douzaine de colonnes dans votre tableur. D’ailleurs, même si vous n’utilisez que l’écran intégré de votre portable, la résolution sera au moins aussi grande.
Grace à cela, Facebook affichait jusqu’à présent sur sa page d’accueil :
- Deux ou trois « posts » complets (texte + photo ou vidéo)
- Une liste étendue de vos contacts en ligne (15 à 20)
- Un panneau des différentes pages que vous gérez (4 ou 5)
- Une liste des différents groupes auxquels vous êtes abonné (5 à 8)
- Etc…
Vous voici maintenant devant une magnifique page d’accueil, qui affiche entre autre curiosité… une demi publication !

Quand le Smartphone impose sa loi jusqu’à l’absurde
Le nouvel écran d’accueil de Facebook semble avoir été dessiné pour des mal voyants. Tout y est surdimensionné, tant et si bien qu’il n’y a plus la place pour aucun des éléments cités ci-dessus.
Le pire, c’est bien évidemment la disparition des « posts ». Ils ne peuvent plus apparaitre sans scroller indéfiniment, et vous ne parviendrez plus à en voir plus d’un à la fois… dans le meilleur des cas !
Tous les autres éléments ont bel et bien disparus eux aussi. Sur mon écran 23 pouces (58 cm de diagonale, excusez du peu), je devine par exemple… 2 ou 3 contacts.
Les pages que vous gérez, elles, sont réduites à… 1 seule ! (oui, vérifiez)
Idem pour les groupes auxquels vous contribuez, qui ont été réduits (au profit… d’un espace vierge juste en dessous !).
Tout se passe comme ci un UX Designer myope et senior d’au moins 80 ans avait pris le contrôle de l’interface, et voulais la pratiquer sans recourir à ses lunettes « loupe » !
Bien sûr, pour contrebalancer, vous pouvez dans un navigateur tel que chrome modifier la puissance du zoom : une bien maigre bouée de sauvetage, qui montre vite ses limites.
Mais alors, si tous les éléments sont présents en plus petit nombre, où est donc passée la place restante ?


Et s’il s’agissait seulement de placer de la pub ?
Pour ce qui est de l’espace disparu, vous le retrouverez assez vite. Il se situe en effet de part et d’autre de la colonne centrale, et dans une grande zone en bas à gauche de l’écran.
Ces trois zones, assez considérables, sont totalement vierges. Nib. Nada. Walou. Il n’y a rien dedans.
Autre zone « espaçophage » : deux bannières de publicités qui s’affichent maintenant en haut à droite de votre écran. Elles n’y étaient pas dans la version précédente. Tout ça pour ça ?
Il ne semble être venu à l’idée de personne, chez Facebook, que l’on pouvait par exemple doubler la colonne centrale pour afficher deux fois plus de publications ? Voire de l’adapter indéfiniment à de nouvelles tailles d’écran ?
Non. Ce design semble avoir été dessiné à la serpe, en décalquant purement et simplement l’affichage obtenu sur un smartphone.
Sauf que ce dernier affiche presque la même résolution, mais sur une diagonale de 6 pouces en moyenne.
C’est 4 fois moins qu’un écran 23 pouces ? Et alors ? Où est le problème ?
On ne va tout de même pas s’embêter à redessiner une interface différente pour les très grands écrans…
Tout le monde n’a qu’à travailler sur son smartphone, et puis c’est tout.
Quel était l’objectif initial de Facebook au fait ? Afficher les informations de son réseau ?
Quel réseau ? Quelles informations ? On n’était pas là pour afficher de la pub ?

Inventons vite la noix d’honneur de l’UX Design
Oui, il faudrait pouvoir récompenser les efforts aussi louables des GAFAM pour satisfaire leur ambition interne au dépends de leurs utilisateurs.
Je propose pour ma part que l’on invente et décerne une noix d’honneur annuelle.
Nous la remettrions à Facebook, pour 2020, avec le cahier de doléance de tous ces usagers qui en ont plus qu’assez de voir tous leurs avis traités avec le plus grand mépris.
Quand à la personne qui s’est achetée une smart TV haute résolution de près de deux mètres, et qui découvre qu’elle n’affiche pas plus d’informations que le WIKO de 12 cm de sa fille…
…courage 😉