Par Louis Naugès, Wizy.io
Le COVID-19 a donné un coup d’accélérateur spectaculaire à la Transformation Numérique des trop nombreuses entreprises qui hésitaient encore à se lancer dans ce grand chantier ; mieux vaut tard que jamais !
En écrivant ces lignes, j’ai trois objectifs :
- Vous faire découvrir les principes de base de la Frugalité Numérique.
- Vous donnez envie d’approfondir vos connaissances sur ces thèmes.
- Enfin, et surtout, vous convaincre que votre entreprise a intérêt à promouvoir sa Frugalité Numérique et prendre, immédiatement, des décisions dans ce sens.
La démarche de Frugalité Numérique consiste à anticiper les impacts sur la planète de toutes les décisions liées à une Transformation Numérique.
- Pour vous aider à en saisir toute l’importance, j’ai sélectionné quatre idées fortes :
- Sept composants numériques sur lesquels on peut agir.
- Numériser, pour dématérialiser l’économie mondiale.
- Smartphone : héros incompris de la dématérialisation.
- Transformation Numérique et Frugalité Numérique, un duo bénéfique pour la planète.
Sept composants numériques sur lesquels on peut agir
Pour faciliter la prise de décisions pratiques, il est important d’identifier les composants sur lesquels on peut agir. J’en ai identifié sept, que l’on retrouve sur le schéma suivant :
Les six premiers sont liés aux infrastructures numériques :
- Centres de calcul : privés, hébergés ou clouds publics.
- Stockage des données.
- Réseaux : LAN, MAN et WAN, filaires et sans-fil.
- Impression : laser ou encre, N&B ou couleur.
- Objets d’accès : PC fixes et portables, smartphones, tablettes, chromebooks.
- IoT, informatique des objets et l’IIoT, Informatique Industrielle des objets.
Ces six composants d’infrastructures consomment de l’énergie et des matières premières. Ils n’ont de “valeur” que lorsqu’ils sont utilisés pour permettre à des logiciels, des applications de fonctionner. Ce septième composant, les logiciels applicatifs, consomme indirectement de l’énergie et des matières premières par l’intermédiaire des ressources d’infrastructures, que les utilisateurs ne “voient” pas.
Une démarche de Frugalité Numérique cherche, dans chacune de ces sept dimensions, quelles sont les meilleures options, celles qui protègent le mieux la planète.
J’ai beaucoup travaillé sur tous ces thèmes ; ils sont complexes et les réponses sont parfois “contre-intuitives”. Elles vont souvent à l’encontre des messages négatifs diffusés sur les réseaux sociaux par des écologistes, mal informés de la réalité des liens entre le numérique et la planète.
Je prendrai deux exemples :
- Non, regarder une vidéo sur Netflix n’est pas nocif pour la planète et réduire artificiellement la qualité de l’image… n’a aucun impact sur la consommation d’énergie.
- S’obstiner à garder un centre de calcul privé et ne pas basculer sur les clouds publics des géants industriels AWS, Google ou Microsoft est… une très mauvaise idée.
Où se trouvent les plus grandes possibilités d’impacts positifs sur la planète ? Contrairement à ce qui peut paraître évident, c’est dans les usages !
Chaque fois qu’un collaborateur envoie un courriel, construit un tableau de bord, consulte son ERP favori pour connaître l’état des stocks dans un entrepôt, il fait appel à des ressources d’infrastructures, de calcul, de stockage, de transport de données qui, elles, consomment de l’énergie.
Pour améliorer sa Frugalité Numérique, l’action prioritaire à mener dans une entreprise est l’information des collaborateurs sur ces thèmes. Il ne s’agit pas de leur interdire l’accès aux applications dont ils ont besoin. Il faut les aider à comprendre que tout usage non indispensable est un mauvais coup porté à la planète.
Numériser, pour dématérialiser l’économie mondiale
Plus avec moins : c’est l’idée forte défendue par Andrew McAfee, du MIT, dans son livre “More From Less” publié fin 2019. C’est en dématérialisant au maximum l’économie que l’on pourra concilier croissance et protection de la planète.
Étayé par de nombreux graphiques provenant d’études économiques sérieuses, il porte un message positif et d’espoir dont on a vraiment besoin en ce moment !
Depuis les années 1970, la corrélation entre le PNB des pays et la consommation de ressources non renouvelables a cessé ! 1970 ? C’est la décennie du démarrage de l’informatique dans le monde. Le numérique permet, et c’est le titre de ce livre, de faire… plus avec moins !
Pour illustrer cette dématérialisation rendue possible par le numérique, le smartphone est un excellent exemple.
Smartphone : héros incompris de la dématérialisation
Le smartphone, le plus grand ennemi de la planète ?
Oui, par certains côtés :
- Utilisation de matériaux rares, souvent extraits par des enfants “esclaves”.
- Renouvelé trop souvent : en trois ans, un smartphone consomme ¼ de l’énergie nécessaire pour le fabriquer. Le garder 4 ans ou plus est un geste essentiel.
Non, par d’autres :
- Un smartphone consomme quatre fois moins d’énergie qu’un PC portable ; lire ses courriels sur son smartphone, c’est mieux que sur son PC.
- C’est l’objet numérique qui contribue le plus à la dématérialisation de l’économie.
J’en parle longuement dans ce billet de mon blog.
J’en ai extrait deux exemples, sur la double dématérialisation, physique et des contenus, rendue possible par un smartphone.
Smartphone et dématérialisation physique
Un smartphone de 200 g remplace un grand nombre d’objets physiques que l’on utilisait avant. Je suis certain que vous trouverez d’autres objets à ajouter à cette liste :
- Téléphone filaire.
- Appareil de photo.
- Caméscope pour enregistrer des vidéos.
- Lecteur de CD pour la musique.
- GPS.
- Lecteur de DVD pour des vidéos.
- Calculatrice.
- Réveil.
- Montre.
- Radio.
- …
Calculez le poids cumulé de tous ces objets ; vous arriverez à plusieurs dizaines de kilogrammes. Multipliez ce chiffre par les quatre milliards de smartphones utilisés dans le monde, et vous aurez une idée des impacts colossaux des smartphones sur la dématérialisation de l’économie. Si l’on prend comme hypothèse basse 30 kg économisés par smartphone, on arrive à un total de 120 millions de tonnes de matériaux économisés.
Smartphone et dématérialisation des contenus
Ce deuxième graphique représente quelques-uns des supports physiques de contenu que nous avons cessé d’utiliser :
-
Encyclopédies : Encyclopedia Universalis pesait près de 100 kg.
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Dictionnaires.
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Guides touristiques.
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Cartes routières.
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Agendas téléphoniques.
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Collections de disques, de CD ou de DVD.
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Agendas papier.
-
Albums de photos.
-
…
Dans ce cas aussi on parle de plusieurs dizaines de kilogrammes, de milliers de documents papiers qui se démodent vite, qu’il faut renouveler fréquemment, de supports plastiques pour CD ou DVD que l’on utilise peu et qui encombrent nos domiciles ou bureaux.
Transformation Numérique et Frugalité Numérique, un duo bénéfique pour la planète
Le numérique peut devenir un grand allié de la planète, mais ce n’est pas automatique.
Dirigeants, DSI et collaborateurs ont des rôles clefs à jouer pour garantir que la Transformation Numérique des entreprises se fasse en privilégiant la Frugalité Numérique.
L’exemple le plus spectaculaire de ce lien entre Transformation et Frugalité Numérique ? L’énergie consommée par les centres de calcul.
Depuis 10 ans, je lutte pour démontrer que fermer ses centres de calcul privés et basculer sur des clouds publics, AWS, GCP ou Azure, est une décision essentielle pour réussir sa Transformation Numérique ; parmi les nombreux avantages :
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Ressources que l’on paie à l’usage, “as a Service”.
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Possibilité d’ajuster en permanence l’offre de serveurs à la variation de la demande.
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Accéder aux centaines d’innovations technologiques proposées chaque année par ces industriels du Cloud.
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Réduction forte des coûts quand on gère bien ses consommations.
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Niveaux de sécurité plus performants que ceux que peuvent proposer 99,999 % des entreprises avec leurs équipes internes.
Dans un billet de mon blog consacré à la Frugalité Numérique des centres de calcul, je démontre que la consommation d’énergie électrique nécessaire pour faire fonctionner les applications numériques d’une entreprise est six fois plus petite dans un cloud public que dans un centre de calcul privé !
Si l’on rajoute le fait que ces géants du Cloud utilisent des énergies renouvelables pour 100 % de leurs centres de calcul (Google) ou 50 % (AWS et Azure), la conclusion s’impose : Il est criminel pour la planète de garder des centres de calculs privés.
Mes expériences récentes avec quelques entreprises innovantes qui prennent en compte cette dimension Frugalité Numérique me rendent très optimiste : tous les “stakeholders”, dirigeants, collaborateurs et professionnels du numérique sont motivés par cette démarche et y adhèrent rapidement.
Prendre en compte la dimension Frugalité Numérique dès le début d’une démarche de Transformation Numérique en accroît beaucoup la probabilité de succès ; tous les acteurs de l’entreprise auront à cœur que ce double défi réussisse !
A propos de Louis Naugès :Entrepreneur, conférencier et enseignant, Louis est depuis quelques décennies un témoin et acteur engagé de la transformation numérique des entreprises. Centres d’expertise et d’intérêt : Cloud Computing, SaaS, Revolution Industrielle Informatique, Moderniser son SI