La taxe Gafa française verra bien le jour en 2020 malgré la crise sanitaire.
Une taxe légitime et nécessaire ?
“Jamais une taxe numérique n’a été aussi légitime et nécessaire”, a indiqué Bruno Lemaire
Mais est-ce aussi simple et évident que cela ?
Sur le fond à savoir que les GAFA se gavent et qu’ils sont champions en optimisation fiscale, il n’y évidemment pas débat. Mais à l’instar de l’intérêt réel de l’ISF qui est une décision politique voire dogmatique (je ne développe pas vous connaissez les arguments pour et contre), le débat mérite d’être posé.
Beaucoup d’acteurs du numérique français et européens se sont élevés contre cette taxe.
J’extrais un passage de 3 paragraphes de Wikipedia qui résume assez bien le fond du problème :
1. Pour de nombreux économistes, la taxe GAFA est un non-sens et une aberration économique car elle serait presque exclusivement financée par le consommateur final et les intermédiaires de vente et ne pénaliserait donc pas ou peu les entreprises concernées (incidence fiscale). D’après eux, taxer le chiffre d’affaires ne permet pas de faire de distinction entre l’entreprise qui n’enregistre aucun résultat et celle dont les résultats sont très élevés. Par conséquent, cette taxe contribuerait au renforcement de situations oligopolistiques en favorisant plutôt les Gafa plutôt que les acteurs français et européens.
2. Par ailleurs, cette taxe se baserait sur un jugement fondamentalement erroné car les GAFA et autres entreprises concernées ne paieraient pas véritablement moins d’impôts que les autres entreprises. Ainsi, les GAFA se sont acquittés de 24 % d’imposition sur leurs bénéfices mondiaux durant les dix dernières années précédant l’instauration de la taxe, soit un niveau de fiscalité légèrement supérieur à la fiscalité moyenne constatée dans l’OCDE.
3. La taxe pourrait même coûter de l’argent au Gouvernement français car le Ministère des Finances s’est engagé à rembourser les entreprises taxées en déductions fiscales l’éventuelle différence entre la taxe GAFA française et la future taxe trouvée au sein de l’OCDE.
Sans parler des mesures de rétorsion annoncées par Donald Trump qui auraient un impact autrement plus sérieux que les 400 ou 500 millions d’euros supposément encaissés (cf. point 3).
Qu’en pensent les instances représentatives de la Tech française ?
Fin novembre 2019, France Digitale, qui revendique 1 200 start-up adhérentes, a évoqué le projet de taxe sur le chiffre d’affaires qui “envoie un très mauvais signal à tous les acteurs de l’économie numérique”. France Digitale craint également une « répercussion » de la taxe par les géants du numérique sur des acteurs locaux comme les annonceurs, les places de marché ou les applications.
Tech in France qui revendique 400 adhérents allant de la start up aux grands groupes s’était exprimé en des termes à peine plus mesurés à l’AFP par l’intermédiaire de Loïc Rivière, son délégué général : ”Nous comprenons bien que face à la pression sociale et de l’opinion publique, le gouvernement était obligé de réagir. Pour autant, cette taxe comporte de nombreuses imperfections touchant les acteurs français concurrents des plates-formes qui sont visées« , a-t-il affirmé. “Il nous paraîtrait raisonnable et rassurant » pour l’écosystème tech français « de mettre une clause » stipulant que la taxation prendra fin lorsqu’un accord aura été trouvé à l’OCDE sur la taxation des géants du numérique, a-t-il dit.
Pas une si bonne idée finalement mais que faire alors ?
Donc tout le monde semble d’accord pour dire que cette taxe n’est pas une bonne idée en réalité. Même si tout le monde aimerait légitimement reprendre un peu aux GAFA(M) ce que nous leur laissons généreusement à longueur d’année sans même parler de la valeur “boursière” que nous leur faisons prendre en partageant allègrement nos données – nos “assets” numériques alimentant leurs “assets” financiers.
Encourager le numérique français et européens !
Réfléchissons plutôt à la façon dont nous pourrions si ce n’est favoriser au moins encourager le numérique français et européen. L’état dans ces choix d’investissements régaliens et certaines (la plupart ?) des grosses entreprises françaises devraient en effet penser un peu plus local pour la souveraineté et la confidentialité de leurs données notamment. Évidemment les américains ont un temps d’avance et leurs solutions sont pour la plupart très robustes.
Mais il n’en demeure pas moins que la souveraineté de nos données est un enjeu majeur. Concernant ce point, je vous renvoie à l’appel du 9 avril lancé par un certain nombre d’entrepreneurs du numérique (voir ici la vidéo d’Alain Garnier une des locomotives de l’initiative) qui a été signé par plus de 200 entrepreneurs et acteurs engagés du numérique comme nous ;-). Cet appel a été notamment relayé dans les Echos dans un article du 6 mai dernier que je vous recommande intitulé : “Profitons de cette crise pour rétablir notre souveraineté numérique”.
Il semble donc plus éthique et plus efficace pour nos économies de tenter de soutenir le numérique français et européen que de taxer les GAFA(M). A suivre…