Pour aborder cette question de façon plus globales, nous publions une série d’articles sur ce sujet, en nous appuyant sur un dossier réalisé récemment par “Annales des Mines”, avec l’institut Mines télécom, intitulé “Enjeux Numériques : La souveraineté numérique, 10 ans de débats, et après ?”.
Nous synthétiserons quelques-uns des points de vue de ce dossier, en vous renvoyant à sa lecture complète riche d’enseignements.
Aujourd’hui : Souveraineté et Technologies quantiques, par Par Alice PANNIER, Responsable du programme Géopolitique des technologies à l’Institut français des relations internationales (Ifri)
Technologies quantique : une promesse de rupture
On évoque souvent le potentiel des technologies quantiques dans divers domaines, soulignant l’intérêt croissant des gouvernements, notamment en Europe. Bien que la Chine et les États-Unis soient en tête dans ce domaine, l’Europe reste compétitive. Cependant, deux défis se posent : trouver un équilibre entre souveraineté nationale et coopération internationale, et élaborer une stratégie à long terme pour le développement quantique.
Il faut souligner tout d’abord le large champ d’application des technologies quantiques dans divers secteurs tels que les télécommunications sécurisées, la détection militaire et les capteurs, ainsi que l’informatique quantique. Ces avancées promettent des ruptures stratégiques et économiques avec des opportunités et des menaces. Les télécommunications quantiques visent à sécuriser les communications, tandis que les capteurs quantiques peuvent détecter des installations souterraines ou améliorer la précision des forages.
L’informatique quantique offre une puissance de calcul potentiellement révolutionnaire, avec des implications dans la simulation complexe, la cybersécurité, la médecine, l’agriculture et d’autres domaines.
Quantique et souveraineté
Au cours des cinq dernières années, les technologies quantiques ont progressé plus rapidement que prévu, suscitant un intérêt accru des gouvernements en raison de leurs implications en termes de sécurité et d’économie.
La compétition technologique entre les États-Unis et la Chine exerce une pression sur les acteurs cherchant à développer ou accéder à ces technologies, avec des restrictions commerciales ayant également un impact sur l’Europe.
Le développement des technologies quantiques nécessite également des travaux sur les normes techniques et internationales, ce qui souligne l’importance d’une coordination internationale malgré un contexte de compétition entre grandes puissances.
Les technologies quantiques sont considérées comme stratégiques pour la sécurité nationale, selon l’ancienne ministre des Armées Florence Parly. La Commission européenne, dirigée par Thierry Breton, vise à développer des capacités européennes indépendantes dans ce domaine, similairement à ses efforts dans le secteur spatial, en reconnaissant l’importance stratégique et les applications duales de ces technologies.
L'Europe dans la compétition internationale
Les États-Unis ont une longueur d’avance dans l’informatique quantique grâce à leurs universités renommées, investisseurs privés et grandes entreprises telles qu’IBM, Google, Intel et Amazon. La Chine a également progressé rapidement, notamment dans la cryptographie et les communications quantiques, avec des investissements massifs dans la recherche et le développement.
Malgré cela, l’Europe est bien positionnée dans la course mondiale aux technologies quantiques, avec plusieurs pays disposant de capacités de recherche importantes et de startups innovantes. La France, par exemple, possède un écosystème dynamique dans ce domaine, soutenu par des organismes de recherche nationaux et des entreprises technologiques.
Des startups comme Pasqal ont connu une croissance significative et ont attiré des investissements internationaux, démontrant le potentiel européen dans ce domaine, bien que le financement reste un défi.
Conclusion : Objectifs et défis de l'Europe
Pour développer des technologies quantiques européennes souveraines, des objectifs stratégiques et économiques communs ont été identifiés, tels que garantir l’accès aux technologies quantiques, développer des applications et sécuriser les données.
Cependant, des divergences apparaissent, notamment sur la priorité à accorder au développement d’écosystèmes locaux ou à l’adoption de technologies étrangères. De plus, il y a un débat sur la coopération internationale, certains favorisant une ouverture de la recherche, tandis que d’autres prônent une approche plus sélective, en fonction du niveau de maturité des technologies.
Le développement des technologies quantiques implique une collaboration entre divers experts tels que physiciens, ingénieurs, mathématiciens, développeurs et data scientists. Ces technologies reposent sur une multitude de composants, de la conception des machines quantiques aux réseaux de communication, et sont encadrées par des réglementations sur la protection des données.
Aux États-Unis et en Chine, les efforts de recherche sont largement soutenus par de grandes entreprises technologiques, mais en Europe, l’absence d’un acteur dominant peut être un obstacle. Cependant, divers outils, initiatives et lois européennes visent à renforcer le secteur quantique, bien que le manque d’investissements privés, notamment en capital-risque, puisse ralentir cette progression.
Pour en savoir plus :
Le dossier complet d’Enjeux Numériques – Annales des Mines N°23, page 70