Ce data center révolutionnaire revalorise 100 % de l’électricité qu’il consomme sous forme de chaleur pour alimenter le réseau de chauffage urbain, marquant une première mondiale en matière d’innovation durable. Situé sous la coopérative écologique « La Bistoquette » en zone résidentielle, il combine haute efficacité énergétique et respect de l’environnement.
Un modèle durable et intégré à la société
Depuis le 11 novembre 2024, l’électricité consommée par ce centre est entièrement convertie en chaleur et réinjectée dans le réseau de chauffage urbain genevois. À pleine capacité, il injectera 1,7 MW (soit 14,9 GWh/an), de quoi chauffer 6 000 logements certifiés Minergie-A ou permettre à 20 000 personnes de prendre une douche quotidienne de 5 minutes. Cette installation unique contribue également à éviter la combustion de 3 600 tonnes de CO₂ par an, équivalant à 5 500 tonnes si des pellets étaient utilisés.
Technologie et durabilité au cœur du projet
Contrairement à d’autres data centers qui ne revalorisent qu’une partie de leur consommation énergétique, Infomaniak transforme toute l’énergie utilisée (serveurs, ventilation, onduleurs, etc.) en chaleur. Cette chaleur est transmise à un échangeur air/eau, où des pompes à chaleur élèvent sa température pour l’intégrer au réseau de chauffage urbain. Ce double système élimine la climatisation traditionnelle, réduisant drastiquement l’impact environnemental.
Le processus de récupération énergétique
- Récupération de chaleur fatale : L’eau chauffée par les serveurs (à 40-45°C) est refroidie à 28°C pour maintenir une température optimale dans les équipements.
- Compression et distribution : La chaleur est augmentée jusqu’à 85°C en hiver pour alimenter le chauffage urbain.
- Double utilisation : Le froid généré par les pompes à chaleur est directement utilisé pour refroidir les serveurs.
Ce modèle de « tout se transforme » s’appuie sur des normes avancées telles que l’ERE (efficacité énergétique réelle) et l’ERF (taux de réutilisation énergétique), qui complètent le traditionnel PUE (efficacité énergétique brute).
Un impact neutre sur l’environnement et le paysage
Construit en sous-sol dans une zone résidentielle, le data center n’a aucun impact visuel et n’utilise ni eau ni climatisation supplémentaire pour le refroidissement. De plus, il s’appuie exclusivement sur des équipements fabriqués en Europe, renforçant la souveraineté technologique de la région. Parmi les équipements clés, on retrouve des pompes à chaleur françaises, des ventilateurs allemands, et des panneaux solaires fabriqués entre la Suisse et l’Allemagne.
Un projet exemplaire en termes de recherche et de reproduction
Le data center D4 n’est pas qu’un exploit technique, il est aussi un modèle ouvert, documenté par des institutions prestigieuses comme l’EPFL, l’IMD et l’Université de Lausanne. Les résultats et le savoir-faire acquis sont disponibles en open source sur le site d4project.org. Ce partage vise à encourager la reproduction de ce modèle durable à grande échelle, offrant :
- Un guide technique pour reproduire ce type de data center.
- Un suivi en temps réel des performances énergétiques.
- Des recommandations pour les décideurs politiques.
Cette initiative a déjà été récompensée en 2023 par le Prix Suisse de l’Éthique et le Prix du développement durable du canton de Genève.
Des défis relevés pour une vision long terme
La conception et la mise en œuvre de ce projet ont nécessité 4 ans et demi, bien plus que les deux ans habituellement requis par Infomaniak pour construire un data center. Ce délai s’explique par les contraintes spécifiques, notamment la recherche d’un emplacement sécurisé et proche d’un réseau de chauffage compatible. Le budget total, hors serveurs, s’élève à 12 millions de francs suisses, dont 6 millions ont été investis dans l’adaptation aux besoins du réseau de chaleur, avec un soutien financier du canton de Genève et de son opérateur de chauffage urbain.
Impact économique et écologique
L’opération est neutre financièrement pour Infomaniak : la chaleur produite est offerte à prix coûtant au réseau de chauffage. Cependant, l’impact économique global est positif pour l’économie locale grâce à l’utilisation d’équipements européens et à l’apport énergétique gratuit.
Du point de vue écologique, ce projet illustre une nouvelle approche des centres de données, traditionnellement considérés comme des consommateurs énergivores. Il propose un modèle qui s’intègre activement dans la transition énergétique en transformant les centres de données en contributeurs nets.
Perspectives : une expansion durable
Infomaniak a déjà des plans pour construire deux nouveaux data centers similaires. Ces installations pourraient fournir jusqu’à 3,3 MW d’énergie thermique au réseau urbain d’ici 2028. L’entreprise est en quête de réseaux de chaleur compatibles pour y intégrer ces infrastructures. Le principe reste simple : acheter localement de l’électricité renouvelable et offrir gratuitement la chaleur fatale produite.
Chiffres clés du projet D4
- Efficacité énergétique moyenne (PUE) : 1,09 (contre 1,6 en moyenne en Europe).
- Capacité totale de chaleur revalorisée : 1,7 MW.
- Nombre de serveurs : Environ 10 000 (200 racks).
- Budget total : 12 millions de francs suisses.
- Surface du data center : 1 800 m².
- Capacité solaire associée : 130 kWc (364 panneaux solaires).
Un modèle pour le futur de l’industrie numérique
En combinant efficacité énergétique, valorisation locale des ressources et reproductibilité, Infomaniak redéfinit les standards de l’industrie du cloud. Ce projet prouve qu’il est possible de concilier croissance numérique et durabilité environnementale. Grâce à cette initiative, Genève se positionne comme un leader de l’innovation énergétique, tout en renforçant la souveraineté technologique européenne.
Le data center D4 incarne une vision ambitieuse, où le numérique devient un moteur de la transition énergétique et une solution aux défis climatiques. Ce modèle pourrait bien devenir la norme pour une industrie qui doit impérativement évoluer pour répondre aux impératifs environnementaux mondiaux.