Comment concilier tradition et modernité en respectant la souveraineté numérique ?
David Fayon a répondu à ce sujet à quelques questions pour le site souveraine.tech .
David Fayon est Responsable Écosystème Innovation et Prospective au sein du Groupe La Poste. Il est co-auteur de La transformation digitale pour tous ! et de Pro en réseaux sociaux. Il est membre de plusieurs associations pour le développement du numérique en France et de la souveraineté numérique.
Dans cet interview, il rappelle d’abord que notre Constitution à savoir la Ve République du 4 octobre 1958, s’appuie sur la notion de souveraineté.
La souveraineté, profondément ancrée dans notre constitution
Elle indique dès son préambule « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ». Le titre premier de notre Constitution est par ailleurs intitulé « De la souveraineté » avec un principe « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (art. 2). Ceci est complété par l’art. 3 « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » et dans ce même article et son alinéa 2, nous avons le fait que la souveraineté est une est indivisible « aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».
Si cette souveraineté recouvre de nombreux aspects économiques, sociaux et culturels, elle consiste aussi en une souveraineté numérique.
Selon David FAYON, “nous avons une troisième voix à construire pour ne pas être dépendant au niveau de la France et de l’Europe de solutions technologiques américaines et chinoises et nous enfoncer dans une tiers-mondisation numérique alors que c’est là que se jouent les emplois et la compétitivité de demain : intelligence artificielle, robotique, informatique quantique avec la nécessité d’avoir des champions locaux et de développer des écosystèmes sur l’ensemble de la chaîne de valeur du numérique : matériel, système d’exploitation et logiciels, données.”
Il note aussi que “…dans notre Constitution est inscrit le principe de précaution. Cela permet d’éviter en théorie des possibles conséquences néfastes de l’innovation sur l’homme. A contrario, le principe d’expérimentation est roi et prévaut dans d’autres pays comme les États-Unis. Ils ne s’en privent pas, par exemple pour exploiter la ressource énergétique qu’est le gaz de schiste et ils utilisent la fracturation hydraulique, ce qui a des possibles conséquences défavorables à l’environnement au niveau du sous-sol.”
Souveraineté numérique : choisir sa vie numérique et ses outils
David FAYON préconise de pouvoir choisir de façon éclairée sa vie numérique et ses outils qui vont avec. Il faudrait un consentement éclairé pour cela, que les algorithmes soient plus transparents et pas vus comme des boîtes noires opaques, que le stockage des données et l’utilisation faite et que la portabilité transparaissent mieux, que les composantes de la solution numérique soient connues, X % de la valeur ajoutée des États-Unis, Y % de Chine, Z % d’Europe, T % d’ailleurs.
Mais c’est aussi être dans un monde phygital où la liberté numérique irait de pair avec la liberté dans le monde physique puisque les deux sont interdépendants. Cela suppose le droit à la déconnexion, la vigilance contre les addictions et les cyberdépendances.
Il rappelle la citation attribuée à Benjamin Franklin, le père fondateur des États-Unis, « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».
Financer l’innovation, et savoir en faire le tri
Selon David FAYON, nous avons deux types d’innovation à distinguer, d’une part l’innovation incrémentale qui consiste à améliorer un produit ou un service existant par des caractéristiques ou fonctionnalités nouvelles ou optimisées. Et nous avons d’autre part l’innovation disruptive qui suppose un changement de paradigme, nouvelle technologie, processus radicalement différent, etc.
Indépendamment du financement massif pour certaines innovations de nature souvent plus disruptive, nous avons à intégrer également la notion du temps long dans l’innovation qui est importante surtout si les couches pour l’informatique sont toutes impactées, du matériel aux données en passant par les logiciels car plusieurs facteurs sont à prendre en compte.
Il note encore que d’une certaine façon l’innovation nous est vendue, parfois à la façon Obélix et compagnie. Il convient de se poser des questions comme est-ce que cette innovation va être utile, va me faire gagner du temps ou automatiser certaines tâches, va me permettre de trouver des informations, d’accélérer la prise de décision ou accomplir une tâche qui correspond à un besoin réel ?
Pour conclure, David FAYON s’exprime sur le quantique, en notant qu’il s’agit d’une technologie disruptive à suivre et à investir :
“Nous aurons d’autres usages qui viendront en avançant dans l’exploration de cette technologie qui correspond à un nouveau paradigme, le qubit et non le bit ou nous avons soit le 0 soit le 1. Le fait que les 2 états 0 et 1 peuvent se superposer induit une complexité et augmente le champ des possibles. De là à combiner intelligence artificielle générative et informatique quantique et l’on aurait potentiellement un Hyper HAL relayant 2001 L’odyssée de l’espace aux oubliettes…”
Pour en savoir plus :
Le point de vue / interview complète de David FAYON