Interview de Grégoire Michel, Partner CRM & Marketing Automation at Converteo
Billet #7 de notre Dossier “Marketing Automation”
TechEthic : Bonjour Grégoire Michel. Pouvez-vous vous présenter ?
Grégoire Michel : Bonjour. J’ai fait une première partie de carrière essentiellement chez des éditeurs de logiciels. Dans un premier temps, chez des grands éditeurs comme Oracle ; puis chez des start-ups ou des scale-ups à partir du début des années 2000. J’ai commencé comme Avant-Ventes, mais j’ai migré vers le “business development” et enfin le marketing. D’abord en marketing produit, puis vers marketing plus global et enfin comme CMO.
En 2009 j’ai créé ma propre structure de conseil qui s’appelait “inficiences partners”, avec pour vocation d’aider à la transformation digitale des directions marketing et commerciale. J’ai ainsi “concrétisé” des idées qui me trottaient dans la tête depuis mes dernières expériences de direction marketing. Notamment l’automatisation du marketing dont on commençait tout juste à parler en B2B. J’ai fait les premiers projets de marketing automation en 2010 et depuis lors, j’ai dû en faire une centaine. Ces projets étaient essentiellement dans les secteurs dits « achats considérés » B2B ou B2C, dans des secteurs où le commercial à un moment doit prendre le relais du marketing, dans lesquels les cycles d’achats sont longs et dans lesquels il y a une forme de complexité sur l’ensemble de la chaîne. En 2018, j’ai vendu ma société à AWE dans lequel j’ai pris la direction de l’activité conseil. J’y suis resté jusqu’à la fin de 2020. J’ai rejoint en début de l’année 2021, Converteo ou j’ai pris la direction de l’activité CRM au sens large (marketing automation, CRM, vente, CDP, etc).
C’est comme ça que j’ai acquis mon expertise. Au cours de ma carrière, j’ai aussi eu l’occasion de faire pas mal de projets CRM ventes. Mon premier projet Salesforce c’était en 2001, comme client. nous n’étions pas nombreux en France, à l’époque, à être client. J’ai fait quelques dizaines de projets de ce type ensuite, en tant que consultant.
TE : Donc un parcours très riche et précurseur. Puisque vous avez cette antériorité sur le marketing automation, pouvez-vous nous parler de l’évolution de ce secteur ? Avez-vous constaté un fort développement ? Une modification des utilisateurs ? Etc.
GM : Le secteur du B2C des achats transactionnels (achats courts, peu engageants, avec peu de décisionnaires, tels que l’e-commerce, retail…) s’est équipé assez tôt avec des plateformes lourdes d’utilisations, pas très flexibles la plupart du temps et qui n’étaient pas des plateformes SAAS au départ, donc compliquées à mettre en place. C’était techniquement la seule possibilité à l’époque, il y a 10-12 ans, voire plus pour certaines. Et c’était la seule solution technique pour avoir des solutions qui pouvaient gérer des dizaines de millions de contacts en base et communiquer avec eux.
La première des évolutions qui a commencé à se faire est le transfert vers le SAAS de ces solutions. Grâce notamment à l’évolution des technologies de bases de données cloud vers ce qui allait finir par s’appeler le « big data ». Car une plateforme de marketing automation consomme et produit des volumes d’informations qui sont extrêmement élevés. Au début du marketing automation, honnêtement, les infrastructures cloud n’étaient pas prêtes à accueillir ce type de volumétrie alors qu’aujourd’hui elles sont les plus performantes pour les gérer.
“Il y a eu un gros travail de la plupart des éditeurs qui ont cherché à rendre, petit à petit, les plateformes de plus en plus faciles à utiliser…”
Il y a un second sujet en parallèle qui est l’utilisabilité de ces plateformes. Au début les solutions nécessitaient une technicité importante pour les mettre en œuvre, pas simplement au moment de l’intégration. Ce qui, évidemment, n’était pas optimal parce que les gens de l’IT n’avaient pas forcément que ça à faire. Ils n’ont pas des ressources illimitées pour accompagner le marketing au quotidien, et ce n’est pas leur métier.
Il y a eu un gros travail de la plupart des éditeurs qui ont cherché à rendre, petit à petit, les plateformes de plus en plus faciles à utiliser, y compris pour des fonctionnalités complexes.
On est quand même passé de requêtes SQL au départ à des systèmes sans langage, « no-code », qui vont permettre de faire des requêtes extrêmement complexes dans avoir besoin de maîtriser un langage informatique.
En parallèle, il y a eu également des évolutions du marché qui ne sont pas toujours allées dans le bon sens. Un exemple : on a constaté que beaucoup d’annonceurs, notamment dans le B2C, utilisaient des plateformes très flexibles, pour un peu tout et n’importe quoi, avec des usages qui allaient bien au-delà de ce que devait faire une plateforme de marketing automation.
Certains ont développé des sortes de data lake ou des CDP avant l’heure. Sauf que ce n’est pas fait pour ça. Ils ont fini par créer de l’instabilité sur leur plateforme, et occasionner des coûts de maintenance élevés.
Note de Tech Ethic : CDP = Customer Data Platform = plateforme de données client constituée d’un ensemble de logiciels qui crée une base de données client permanente et unifiée accessible à d’autres systèmes.
J’ai vu des gens recréer des référentiels produits dans leurs outils de marketing automation. Le prétexte était : “on en a besoin parce qu’on veut faire un retour de recommandation de produits automatiques“. Très bien, mais ce n’est quand même pas fait pour ça, les capacités internes à la plateforme ne sont pas nécessairement assez sophistiquées ou adaptées.
Donc il y a actuellement une sorte de mouvement en arrière par rapport à ça, d’autant plus qu’entre temps, les plateformes Cloud ont beaucoup progressé, notamment les Customer Data Plateforms. Aujourd’hui, il semble nettement plus logique pour une entreprise qui veut faire ce genre de choses qu’elle le fasse via la bonne solution et qu’elle laisse la plateforme de gestion de campagne faire ce pourquoi elle est faite.
Autre grosse tendance que je pourrais citer, c’est effectivement la multicanalité. C’est quelque chose qui est en cours, ce n’est pas terminé pour trois raisons :
- toutes les plateformes ne savent pas gérer tous les canaux,
- tous les clients sont loin d’avoir la maturité organisationnelle et marketing pour utiliser tous les canaux auxquels ils ont accès,
- de nouveaux canaux sortent assez régulièrement.
C’est une évolution qui est en cours, et sur laquelle le B2C a de l’avance. A l’inverse, en B2B, encore peu de gens font de l’activation sur LinkedIn à partir de leur outil de marketing automation bien que de nombreux outils du marché le permettent.
Il y a encore beaucoup de chantiers, ce qui tombe bien pour les consultants comme nous, parce que ça fait beaucoup d’opportunités de parler avec ces clients et de mettre en place des choses avec eux.
TE : No code veut dire paramétrage de type objet ?
GM : Effectivement, ce sont des paramétrages de types purement visuels avec des interfaces utilisateurs dans lesquels on ne manipule pas un langage, mais du drag and drop et des objets visuellement parlants.
Vers de futures convergences
TE : Va-t-il y avoir une convergence future entre les plateformes de gestion omnicanal et le marketing automation ?
GM : Oui, je pense que c’est une bonne formulation. On voit vraiment une convergence entre la plateforme de gestion omnicanal et le marketing automation. Dans l’ensemble de la chaîne, depuis le moment où la personne rentre en base jusqu’à la fin de la vie du client dans les systèmes, tout va devenir omnicanal, mais tout ça a besoin d’être automatisé.
On voit un bon nombre d’acteurs du marketing automation développer cette dimension multicanale avec plus ou moins d’avance, plus ou moins de bonheur. Pendant très longtemps, on pouvait faire des connexions entre les outils et les bases clients/prospects par exemple, mais dans la vraie vie il fallait quand même aller les activer et déclencher ces synchronisations quasiment de façon manuelle dans la plateforme tous les jours, toutes les semaines. Alors sur le papier ça faisait bien, dans la pratique ce n’était pas utilisable. Petit à petit, ces barrières-là ont été réglées et aujourd’hui les synchronisations ont été automatisées par de nombreux éditeurs.
On va avoir deux groupes d’architecture grosso modo :
- des entreprises qui vont être équipées simplement d’un outil de marketing automation. La plupart des outils aujourd’hui commencent à avoir des connecteurs d’activations multicanal plus ou moins sophistiqués, plus ou moins complets ou des API qui permettent de faire de l’activation multicanal,
- d’autres entreprises qui, elles, s’équiperont de CDP munies de connecteurs d’activation et chez lesquelles l’outil de marketing automation ne sera utilisé que pour des canaux classiques du type emailing, SMS.
Je ne sais pas encore quelle est l’approche qui va l’emporter, mais j’aurais tendance à penser que les gens qui ont moins de moyens préfèreront avoir un seul outil qui fait tout.
Car il se trouve aussi que l’on commence à voir les solutions de Marketing Automation se renforcer coté gestion de la donnée et inclure à la fois un outil de marketing automation et un minimum de fonctionnalités de CDP. A titre d’exemple, Adobe vient d’annoncer la sortie d’une nouvelle génération de marketing automation qui est directement basée sur leur CDP. C’est-à-dire que pour eux il n’y a quasiment aucune séparation des deux solutions et je pense depuis déjà 2/3 ans que ça sera l’avenir. Le CDP est très puissant pour collecter les données de sources multiples, les réconcilier et les traiter, faire des requêtes les plus complexes ou des traitements algorithmiques. Donc si ajoute le moteur d’activation multicanal directement branché dessus, qui récupère les données et les pousse vers les bons médias (email ou SMS inclus) de façon synchronisée, de façon orchestrée, il y a une très forte valeur ajoutée et beaucoup de puissance, tout en gardant une certaine simplicité d’utilisation et de mise en place.
TE : Est-ce que cela signifie que le marketing automation avec relation clients intégrée est réservé aux grosses ETI/Grands comptes et aux grands marchands en ligne ?
GM : Non, je ne pense pas. Parce qu’en fait on voit des produits beaucoup plus faciles d’utilisation, beaucoup plus simples, beaucoup plus lights qui pour autant sont assez bons sur l’aspect multicanal. Je pense à Hubspot par exemple qui propose toute une batterie de connecteurs qui vous permettent de faire de l’activation multicanal, et dont le prix d’entrée n’est pas très élevé. Je dirais plus que la barrière d’entrée réside plutôt dans la compétence des équipes et leur capacité à produire les contenus, lancer des scénarios d’animation multicanaux, etc.
TE : Y a-t-il des acteurs européens du marketing automation ?
GM : Il y a également quelques acteurs européens sur ce marché, je pense à Selligent ou Actito qui sont tous les deux d’origine belges et sont plutôt des outils pour les secteurs « achats transactionnels » tels que l’e-commerce.
TE : Nos petits champions français Plezi ou Webmecanik sont-ils trop légers et donc réservés uniquement aux PME ?
GM : Plezi et Webmecanik sont effectivement plus des outils de PME par leur puissance fonctionnelle. Ce sont des solutions faciles à mettre en place et à utiliser, bien adaptées à de petites équipes. Mais elles ont des limites en terme d’adaptation à des contextes de grande équipes marketing multi-BU, de scalabilité et de robustesse sur les bases de très grosse taille par exemple.
Plus globalement le marketing automation est un marché assez encombré, dans lequel je crois qu’il y a trop d’acteurs. Il faut observer ce qui est advenu du marché du CRM ventes. Je pense que le marché du marketing automation terminera à peu près de la même façon. C’est-à-dire avec un nombre beaucoup plus réduit d’acteurs majeurs à la fin, plus quelques spécialistes de verticaux particuliers, et j’ai quand même un peu peur que les gagnants soient déjà plus ou moins connus.
Des capacités encore inexploitées
TE : Vous disiez qu’il y avait d’énormes avancées techniques. Est-on passé dans une autre forme de limitation qui est liée à l’humain ? Est-ce que les gens sont en capacité d’appréhender rapidement la puissance de ces outils et est-ce qu’ils l’exploitent vraiment au maximum ?
GM : Évidemment non, on est loin d’une exploitation maximum des capacités de ces outils et les éditeurs n’arrêtent pas d’avancer à toute vitesse alors que les utilisateurs eux sont incapables de suivre ce rythme.
La dernière avancée en date, c’est l’introduction de l’intelligence artificielle dans les plateformes. Nous avons aujourd’hui du « targeting » automatique, du « look-alike », de la sélection d’audience automatisée, des recommandations etc. tout ça avec des algorithmes de “deep learning”. Ça semble encore pour beaucoup d’utilisateurs de la science-fiction, ça leur fait presque peur, puisqu’ils ont l’impression que derrière l’algorithme il y a une logique qui leur échappe.
Et il n’y a pas que l’aspect de la plateforme, il y a les aspects organisationnels et les aspects métiers qui limitent l’utilisation. Un exemple sur les aspects organisationnels : en B2B la plupart des entreprises ont d’énormes difficultés à régler les problèmes d’alignement marketing vente. Qu’est-ce qu’un lead, quels sont les critères qui en définissent la qualité, qui doit s’en occuper, qui le qualifie ? Comment on doit scorer ?… Ce sont d’abord des problématiques métiers avant d’être des problématiques techniques.
“Pour mettre ces nouvelles fonctionnalités en œuvre il faudrait tester des choses, prendre le risque de se planter, ce qui n’est pas si facile que ça dans notre culture.”
Dans le B2C c’est pareil, on voit les plateformes extrêmement sophistiquées qui ne sont malheureusement utilisées que pour des campagnes et scénarios relativement simples. La capacité de la plateforme à gérer de la conditionnalité, des scénarios complexes, ne sont pas vraiment exploités par manque de process interne, de compétences à penser la chose et de la mettre en œuvre puis de piloter et ajuster les campagnes.
Je ne sais pas s’il n’y a pas en plus, quelque part dans beaucoup de ces entreprises, une sorte de petite aversion au risque. Pour mettre ces nouvelles fonctionnalités en œuvre il faudrait tester des choses, prendre le risque de se planter, ce qui n’est pas si facile que ça dans notre culture.
Je constatais déjà il y a une dizaine d’années que les américains avaient environ 4 ans d’avance dans le déploiement de certains usages, l’Europe du nord 2 ans d’avance, je n’ai pas le sentiment qu’aujourd’hui en 2021 cet écart se soit réduit.
Autre difficulté, les équipes Marketing pensent trop souvent en termes d’outils et pas suffisamment à tout ce qui va autour et qui s’avèrent plus importants que l’outil lui-même pour le succès du marketing automation : la gestion du changement, l’acculturation. Mais aussi le contenu.
Sous l’impulsion d’une tendance marché assez lourde, tout le monde s’est mis à faire du contenu de marque. Le contenu de marque c’est très bien, il faut en faire, mais ça consiste toujours à parler de soi. Or dans la relation prospect et la relation client dans le marketing automation le prospect ou le client ont surtout besoin de contenus où on leur parle d’EUX et pas de NOUS.
Aujourd’hui, c’est quelque chose de difficile, les annonceurs n’ont pas développé les compétences pour faire du contenu « relation client » et leurs fournisseurs habituels ne les aident pas parce que finalement le statu quo va bien à ces fournisseurs aussi. Or un bon contenu pour une plateforme de marketing automation c’est du contenu qui va éduquer le prospect sur ses besoins, sur ses problèmes, sur ce qu’on pourrait y faire, plutôt qu’un contenu qui véhicule les valeurs d’une marque aussi intéressantes soient ces valeurs. Chacun veut entendre parler de soi, c’est très humain. C’est encore relativement facile à faire en B2C car quelque part on est toujours plus ou moins dans une position où on est à la fois vendeur et potentiellement acheteur. Mais en B2B, c’est beaucoup plus difficile. Par exemple, si vous travaillez comme responsable Marketing chez un éditeur de logiciel CRM et que vous vendez à une société qui fait de l’équipement industriel pour la chirurgie, vous n’avez aucune idée des problèmes quotidiens de votre client.
TE : Au cours de quelques entretiens nous percevons que les entreprises abandonnent l’approche par personae. Elle est trop difficile à scénariser pour une approche par “pains” comme avant. Elles optent pour une approche inbound : “je propose à tous et seulement si cela me parle je réagis”. Autrement dit ne voit-on pas un fin de l’hyper segmentation au moins en B2B ?
GM : Disons-le clairement, l’approche personae est souvent mal faite. Que l’on veuille faire une approche par pains ou une approche par persona, à la fin on est quand même obligé de parler aux gens d’eux-mêmes et de leurs problèmes, de comment ils peuvent les résoudre.
Ce qui veut dire qu’on est quand même obligé de comprendre leurs problèmes dans leurs vies de tous les jours, que ce soit sur un plan personnel (B2C) ou professionnel (B2B). L’approche personae pour moi est mal faite, en ce sens que la plupart du temps, les gens se focalisent sur QUI sont les “buyers personas”, leur vies, leurs objectifs ou les moyens de les contacter.
Or, pour moi, un “buyer persona” c’est d’abord une compréhension d’un processus d’achat d’une personne en B2C, de plusieurs personnes quand il s’agit de d’achats considérés et que les gens sont plusieurs à décider. Et quand je parle du processus d’achat, je parle bien des différentes phases, des différents sujets que les personnes vont devoir traiter pour passer d’un besoin implicite« Je n’ai pas identifié mon problème », à un état de “je suis prêt à acheter un produit qui va résoudre mon problème”.
Il y a tout un cheminement qui se fait avec pleins de questions. Et la réponse à ces questions est essentielle pour que la personne puisse continuer ce cheminement. Je vais prendre un exemple que j’ai eu à traiter, puisqu’à une époque j’ai pas mal travaillé avec les grands acteurs de l’Executive Education en France. Quand vous vendez un Executive MBA à 50-60 000 euros, le premier constat c’est que le cycle de décision du futur étudiant prend en moyenne deux ans. Il faut deux ans entre le moment où quelqu’un qui a entre 40 et 50 ans, qui est dans la cible pour un Executive MBA, va se dire “tiens mais finalement ma carrière ne se déroule pas comme je le souhaiterais, j’ai une ou plusieurs promotions qui m’ont échappées” ou alors “je suis au milieu de ma carrière il serait temps de faire un point” et le moment ou cette personne est sur les bancs de l’Executive MBA et commence sa formation.
L’accident de carrière ou le besoin de faire le point, c’est le point de départ de la réflexion de la personne. A ce moment-là, elle n’est pas sur le sujet de l’Executive MBA, elle est sur des sujets très personnels. Les questions qu’elle se pose sont plutôt : « qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi j’en suis là ? Qu’est-ce que je peux y faire ? Quelles solutions ? » Quelques mois plus tard, quand reprendre des études devient une piste potentiellement intéressante : « comment je les finance ? Comment ça va se passer avec mon employeur actuel ? ». Et quand arrive l’idée que ces études prennent la forme d’un Executive MBA : “je vais être absent le vendredi, samedi, dimanche toutes les semaines de la maison pendant quasiment un an… Ça se passe comment avec mon conjoint et mes enfants, etc” ?
“il n’y a pas d’autres solutions pour le vendeur que de faire le travail de se glisser dans les chaussures de l’acheteur…”
Ce sont des questions qui n’ont rien à voir avec la formation en elle-même. Mais ce sont toutes ces questions-là par lesquelles la personne passe et à laquelle elle va chercher des réponses. Et comme le cycle prend deux ans, si le vendeur ne peut que proposer qu’une brochure de 4-8 pages, éventuellement sur papier glacé, entretenir la relation va être compliqué : Mais qu’est ce qu’on va bien raconter au prospect pendant deux ans ?
En fait, il n’y a pas d’autres solutions pour le vendeur que de faire le travail de se glisser dans les chaussures de l’acheteur : quelles sont toutes les questions qu’il se pose qui sont relatives au futur achat ? À quelle étape ? Dans quel ordre ? Et qu’est-ce que je pourrais développer comme contenu pour y répondre ?Une fois qu’il a fait ce travail et quand il a bâti un scénario de ce type, il est capable de proposer des contenus pertinents et d’orchestrer cette relation de veille, il va créer une confiance, un relationnel fort qui font qu’à la fin, il est quasiment systématiquement la solution préférentielle.
Ce process est indispensable et il est souvent très mal fait. Pour moi les “buyers personas” ne sont pas une simple description de quel âge à la personne, de son sexe et connaitre son niveau d’études. Tout ça est quasiment secondaire, un Buyer Persona doit déjà être une description de ces grandes étapes du cycle d’achat, des interrogations qui se posent afin d’être en capacité de scénariser la réponse, en partant du principe que ça va durer plus ou moins longtemps. Et si je projette cela sur les secteurs d’achats considérés, quand les décisionnaires sont multiples, c’est encore plus compliqué car il faut prendre en compte les besoins des différentes personnes impliquées dans la décision (Directeur commercial, Directeur Financier et DSI, par exemple), qui ont des problèmes et des visions assez radicalement différentes.
Mesurer la pertinence des contenus
TE : Est-ce qu’on peut espérer un jour avoir une sorte de super marketing automation, qui avec l’apport des nouveaux outils d’intelligence artificielle par exemple, pourraient en partie créer du contenu ?
GM : Je ne le souhaite pas, parce que ça veut dire qu’il ne restera plus grand chose à l’humain. Mais c’est vrai qu’on avance déjà dans l’évolution de la technologie pour mesurer la pertinence des contenus ainsi que de faire des recommandations pour le contenu d’après.
Ce sont des domaines où des fonctionnalités existent dans un certain nombre de produits. On va scorer le contenu pour en mesurer la performance, la pertinence comme pour les médias par exemple. C’est encore plus important pour les entreprises qui ont décidé de se mettre vraiment à une production de contenu centrée sur le prospect ou le client.
Le contenu coûte aussi cher que l’activation média donc il n’y a aucune raison de faire de l’optimisation des leviers médias et de ne pas la faire sur les contenus. Mais c’est difficile. Ça nécessite plein de modifications d’outils et de processus parce que, par exemple, un contenu ne se définit pas tout seul. Il faut déjà être capable de structurer les métadonnées sur les contenus. Un contenu c’est un format, une thématique, une tonalité, une audience cible, une longueur… Il faut en fait être capable de structurer la base de données de contenus comme on le ferait sur les médias, pour que les données aient une signification.
L’objectif est plutôt de donner un feedback aux gens qui produisent des contenus pour dire “dans ce contexte-là, telle tonalité marche mieux que telle autre” ou “finalement, voilà pourquoi tel contenu a étonnamment bien marché sur telle audience alors qu’en fait tu l’avais conçu pour telle autre ? “. Sachant que quand je dis “bien marché”, c’est qu’il a contribué au business de façon efficace. L’objectif est de permettre aux producteurs de contenus comme aux créateurs de campagnes d’ajuster les choses.
Je sais bien qu’on commence à parler d’algorithmes capables d’assembler des mots et de produire du contenu qui semble avoir du sens, mais on est encore loin du compte et j’espère quand même que l’humain gardera sa part de créativité, de réflexion.
TE : J’ai l’impression que l’intégration des réseaux sociaux avec les outils de marketing automation reste balbutiante. On partage, on compte les likes, engagements mais pas plus, je me trompe ?
GM : L’intégration des réseaux sociaux avec le marketing automation commence quand même à marcher beaucoup mieux aujourd’hui. Soit de façon directe, c’est à dire en permettant de définir des audiences et de les pousser. Exemple : la liste des personnes n’ayant pas ouvert mon dernier mail. L’outil va les pousser dans une audience Facebook ou LinkedIn etc., dans telle ou telle campagne pour qu’elles soient “retargetées” via les réseaux sociaux sur le contenu qu’elles n’ont pas ouvert par email.
Ce sont des choses opérationnelles et qui fonctionnent : on fait du partage d’audience. Il y a aussi des liens dans l’autre sens, avec beaucoup de solutions de marketing automation aujourd’hui qui sont capables de se brancher au formulaire LinkedIn, Facebook etc. Donc, quand une personne est sur l’un des réseaux sociaux, elle voit une campagne, elle clique dessus, elle remplit son formulaire sans quitter l’environnement du réseau social, et automatiquement, l’interaction et la data redescendent dans l’outil de marketing automation.
“Il faut être très fin dans la compréhension des besoins et dans la façon dont on va pouvoir pousser le bon contenu, à la bonne personne, au bon moment…”
On n’est pas dans le monitoring des réseaux sociaux (qui serait de surveiller le nombre de partages, likes etc.), mais vraiment dans de l’interaction dans les deux sens, entre la plateforme et l’outil marketing, au niveau de l’individu. Cette interaction est d’autant plus importante que l’on va assister à la disparition des cookies tiers et puis des cookies tout court, à plus ou moins long terme. Les marques n’ont pas d’autres solutions que de revenir sur des interactions “first party” (voir article sur le sujet).
Note de Tech Ethic : Pour en savoir plus sur la disparition des cookies tiers, vous pouvez aller voir cet article sur le blog du modérateur.
Pour ça, il y a quand même une méthode qui est déjà dans l’air depuis quelques temps et qui fonctionne plutôt bien : les jardins clos (“walledgarden” en anglais), c’est-à-dire communiquer avec les gens dans des environnements dans lesquels ils sont identifiés.
Les plateformes de réseaux sociaux en font partie, on peut aussi faire un portail avec authentification sur son site web par exemple. C’est quelque chose qui va devenir de plus en plus important, qui va remettre encore plus au centre la donnée, donc qui va remettre encore plus au centre du jeu les outils de gestion de campagnes, de marketing automation (permettant d’activer les data first party).
Tout ça converge, il faut être capable d’interagir avec les gens en first party, il faut évidemment être capable d’hyper segmenter qu’on soit en B2B ou en B2C. Il faut être très fin dans la compréhension des besoins et dans la façon dont on va pouvoir pousser le bon contenu, à la bonne personne, au bon moment.
Donc les outils de marketing automation/customer data platform ont pleinement leur rôle à jouer là-dedans. Aujourd’hui je ne saurais pas dire si c’est la CDP qui activera ou le marketing automation qui activera, voir si on assistera comme vient de le faire Adobe, à une convergence totale entre les deux solutions à moyen terme. La disparition des cookies est l’un des drivers qui influent sur le marché du marketing automation en ce moment de façon assez évidente et on le voit tout secteur confondu.
TE : Grégoire Michel, je vous remercie.
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